Montréal, 1er Avril 2010
Le titre : « Pour qui tu te prends, ma fille? » donne tout de suite le ton du nouveau roman de Lise Lacasse : celui d’une lutte psychologique sans merci que vont se livrer Louise, la narratrice principale du roman, et son père. Dans le Québec col bleu des années ’50, cette guerre des nerfs trouve son origine dans un drame familial: la mère de Louise meurt en couche, alors que la fillette est à peine âgée de 11 ans. Le père est ébranlé par la disparition.
Arrivée à maturité, Louise raconte cette histoire, son passé, cet univers en noir et blanc qui hante sa mémoire et qui la confronte à l’intransigeance d’un père meurtri par un chagrin inconsolable.
Tour à tour, nous entendons la voix de l’enfant qui s’émerveille ou se désespère; de l’adolescente qui ne recule devant rien pour réaliser ses ambitions ; de l’adulte qui découvre un univers plus riche et plus complexe que celui des geysers spontanés de sa mémoire. Elle arrive ainsi à porter un regard lucide sur ce qui lui paraissait n’être jadis qu’une injustice irréparable et sur la réalité des paradis perdus. Cette clarté finale débouche aussi sur l’émouvant aveu d’une incompréhension béante face à la brutalité psychologique d’un père qui la fascine.
Dans le livre, les souvenirs fusent d’eux-mêmes et dictent une histoire faite d’allers-retours dans le temps, au gré des émotions. Louise explore ce qu’elle porte ou voudrait porter au-dedans d’elle-même.
Dans un style sobre et vif, ponctué de dialogues allant à l’essentiel et si immédiats qu’on croit les entendre, le roman de Louise transcende son histoire propre pour toucher l’universel. Les personnages vivent longtemps dans notre mémoire après que nous avons tourné la dernière page.