Pour plus d'informations : visitez le site web de la Bibliothèque Juive de Montréal.
mardi 10 mars 2009
lundi 9 mars 2009
10e semaine du départ de GÉRARD ÉTIENNE Z’L’, par Natania Etienne
Chaque semaine, la directrice des Editions du Marais, Natania Etienne publie dans l'hebdomadaire Haïti Observateur un texte en évoquant son quotidien après la disparition de son époux, l'écrivain Gérard Etienne, le 14 décembre dernier.
"L’hiver 1966 avait été bien dur. Je ne m’adaptais pas au Canada. Rien ne me plaisait, je me sentais aliénée de tout ce que je croyais aimer loin des quais de Paris il me semblait que je ne trouvais pas ma place.
La Place des Vosges me manquait, là-bas quand il neigeait le gardien gardait les portes du jardin fermée pour que personne ne viennent abimer la neige et pendant deux, trois jours on vivait un silence frileux avec l’impression que les marronniers sous nos fenêtres nous appartenaient on ouvrait le vasistas dans le toit pour toucher la neige dans mon souvenir elle n’était pas plus froide que celle sur laquelle on skiait en Suisse.
Maintenant je comprenais pourquoi ce canadien que j’avais rencontré sur une patinoire à Grindelwald était venu d’aussi loin que Val d’or pour jouir des sports d’hiver : il faisait infiniment moins froid. À Montréal j’avais la sensation d’être dévorée par la température glaciale. Dans ma nostalgie je rêvais à mes longues marches dans le Marais où chaque maison avait une histoire. Ici les immeubles ressemblaient a des cubes sans caractères la brique rouge me blessait les yeux à Paris sur ma Place la brique était rose. Les toits plats me paraissaient ridicules dans un climat où la neige s’accumulait à des hauteurs vertigineuses. Je vivais en me plaignant tout le temps de tout et de rien.
Au Québec la fièvre politique ne bouillonnait pas encore tout était trop calme pour moi. Les samedis après midi j’allais avec Ida une vieille amie de ma tante qui avait été avec elle à Auschwitz, visiter une de leur compagne Zelma qui avait craqué mentalement, à l’aile psychiatrique de l’hôpital juif, en sortant elle répétait semaine après semaine avec une fêlure dans la voix : «Natania il faut regarder une marche en-dessous puis prendre son courage à deux mains et continuer à vivre» quand plus tard je décrivais cet environnement à Gérard ETIENNE il s’en inspira pour écrire un chapitre dans «Une femme muette» j’étais bien loin de m’imaginer à cette époque qu’au même endroit je perdrai mon père, puis mon mari et que là naîtrait notre petite fille. Mais j’anticipe.
J’allais au Collège Marie de France une école de jeunes filles, bon chic bon genre où les autres élèves étaient soit des enfants de diplomates ou des filles de la bourgeoisie québécoise. Mes parents avaient immigré avec la bibliothèque, six mille livres dans trois containers et à peine une valise par enfants je n’étais pas habillée pour le climat une amie de la famille m’a prise en charge et emmenée chez Eaton, là j’avais carte blanche me dit-elle je pouvais acheter ce que je voulais le problème c’est que je ne m’intéressais qu’à mes livres je n’avais aucune idée de ce qui était à la mode je lui ai dit de choisir pour moi elle n’était pas beaucoup plus douée que moi sur ce chapitre, orpheline de guerre elle n'avait pas eu de jeunesse et n’avait pas d’enfants, alors elle a demandé conseil aux vendeuses de ce grand magasin où la clientèle de l’époque était surtout anglophone je suis sortie bardée d’uniformes de High School robes chasuble bleue marine et chemisiers blanc, couvres souliers en caoutchouc comme en portait les petites filles du primaire. Au moment de payer à mon grand étonnement la dame qui la servait lui a appris à faire un chèque par-dessus son épaule j’ai pris la leçon en même temps.
En arrivant au collège j’ai vite compris que ma nouvelle collection était démodée mais il fallait plus que ça pour me décourager, d’ailleurs les filles qui voulaient me parler de leurs problèmes familiaux, de Mao ou de l’indépendance du Québec n’avaient cure de la façon dont j’étais habillée. Les autres celles qui couraient les magasins ne m’intéressaient pas. J’étais surtout heureuse d’écrire dans le journal du collège.
Le printemps ne voulait pas venir dans ce pays. Un jour déchainée j’ai pris une pelle et j’ai déblayé la moitié du jardin en arrière de notre maison quatre heures de pelletage sans interruption ma mère me regardait du balcon en silence. Après ça tous les membres endoloris je me suis tombée écrasée de sommeil, à ma grande surprise deux jours plus tard le soleil a fait le reste du travail alors je me suis demandée s’il valait la peine d’être fâchée contre la pluie, la neige, la couleur du ciel ou celle des maisons, s’il fallait que la météo contrôle ma vie ou si je pouvais trouver à l’intérieur de moi les ressources nécessaires pour accepter que Paris, Montréal ou San Francisco ce qui était surtout important c’était de regarder la vie avec des lunettes roses et de ne pas me laisser écraser par les lieux où le destin pouvait me mener.
J’étais en terminale une élève se lève agitée elle craint dit-elle que les chinois n’envahissent le monde, je me retiens pour ne pas rire on est en 1967 les chinois sont derrière leur muraille…tout à coup un groupe de jeunes frappent à la porte ils viennent disent-ils vendre des billets pour un très bon spectacle. «Les justes» de Albert Camus, mise en scène de Gerard Etienne pratiquement tout le monde lève la main pour acheter des billets. Mais moi je ne fais pas comme tout le monde, je donne des leçons de français, j’ai un peu d’agent de poche mais je n’aime pas faire le mouton, je n’irais pas. Je ne sais pas que je viens de manquer l’occasion de rencontrer l’homme de ma vie…."
Libellés :
editions du marais,
gerard+etienne,
Haiti,
Natania+Etienne
mardi 24 février 2009
Natania Etienne livre un témoignage très poignant sur... Gérard Etienne

Voici un extrait de ce texte, qui fait partie d'une série publiée chaque semaine dans l'hebdomadaire Haïti Observateur :
"Veuve, est-ce possible d’être veuve de GÉRARD ÉTIENNE Z’L’?
Il y a 35 ans quand nous avons eu notre premier enfant, il s’est fait refuser une assurance vie. Nous savions tous les deux qu’il vivait sur du temps emprunté, nous étions habitués. Les enfants et moi étions seuls à savoir à quel point il était fragile. Nous partagions ses angoisses : manger, ne pas manger, chaque bouchée avalée ou non était un enfer.
Il y a 35 ans quand nous avons eu notre premier enfant, il s’est fait refuser une assurance vie. Nous savions tous les deux qu’il vivait sur du temps emprunté, nous étions habitués. Les enfants et moi étions seuls à savoir à quel point il était fragile. Nous partagions ses angoisses : manger, ne pas manger, chaque bouchée avalée ou non était un enfer.
Les jours ont passés, il écrivait, j’écoutais ses pas lents dans la maison. Il avait lâché la marchette depuis quelques jours, je surveillais ses allées et venues inquiète qu’il ne tombe et se blesse. J’aurai voulu ne plus aller au travail juste rester avec lui vingt quatre heures sur vingt quatre je n’osais plus aller à la poste de peur de je ne sais quoi simplement me disais-je pour qu’il ne soit pas seul, mais il me répétait qu’il fallait que j’aille travailler. Je partais à la dernière seconde, en route on se parlait vingt cinq mille fois.
Il vivait au rythme d’HAITI et de son écriture, je répétais en riant que je n’étais que sa deuxième femme, la première étant son pays. Mon D_IEU quel pays ingrat ! Mais il ne voyait pas ça il rêvait de son rêve fou d’un pays vivable pour les autres. Pour sa dernière sortie il pleuvait le vent soufflait je courais au milieu de la rue pour qu’il ne subisse pas les chocs des bosses sur le trottoir. On revenait de la synagogue, la marchette (celle que j’appelais sa Cadillac) accrochée aux poignées de la chaise roulante, les livres qu’il tenait à emporter pour poursuivre ses réflexions, ses objets de prières. Je l’avais enrobé dans un sac de plastique, ayant un sac aussi sur mon chapeau le tout volant au vent mauvais il était assis heureux confiant que je pouvais le mener au bout du monde. Ceux qui nous auraient vu nous auraient pris pour deux fous, mais ça ne nous inquiétait pas on s’aimait et la vie était là on avait vingt ans. Il était question d’appeler la bonbonne d oxygène «Juliette» mais on n’a pas eu le temps de l’apprivoiser.
Inspiré par ses échanges sur Haitianpolitics il avait repris sa thèse voulant que je la publie. Il écrivait le jour, durant la nuit je l’écoutais respirer terrorisée, passe ta main sur ma tête disait-il dans le noir et je tombais endormie dépitée de n’avoir pas pu le faire toutes les heures où il cherchait le sommeil. Il ne s’accordait pas de répit, accroché aux rampes d’escalier il faisait le dernier marathon de sa vie, cherchant son souffle. Arrivé en haut il s’enfonçait recroquevillé dans la chaise de la cuisine, je lui faisais du charme cherchant à le faire manger, on était en route pour gagner il avait pris du poids il était passé de 105 livres à 112. Il n’avait pas d’appétit alors j'essayais d’inventer toutes sortes de combinaison pour lui faire prendre du poids.
Le dernier vendredi il a enlevé son tube d’oxygène pour faire son fameux riz aux calalous est-ce que j’aurai dû lui dire mon secret que je gardais depuis 41 ans ? Quand je lui ai dit que je pouvais faire du riz il m’a longtemps regardé, sans un mot étonné. Je ne voulais pas dire que je pouvais vivre sans lui, juste que je pouvais l’aider. Samedi matin il s’est levé normalement, il voulait descendre pour lire, mais j’ai proposé qu’on reste ensemble le plus longtemps possible, il m’a regardé et m’a dit : «si tu parles et tu me racontes des histoires, je vais rester dans le fauteuil » Alors j’ai parlé, parlé pour défier le temps, j ai lu à haute voix le journal et il m’a écouté avec patience commentant très sérieusement comme d'habitude. Il a voulu se lever a failli tomber je me suis jetée sous lui pour qu’il ne se blesse pas. Puis notre petite fille est arrivée avec sa maman il a souri assis avec elle il l’a écoutée chanter des chants en hébreu il était si fier de son intelligence et de son élocution il lui a dit «ce soir après le sabbath je jouerais au piano et tu chanteras» [...]
Crédit Photo : Dan Rosenberg
Libellés :
ecrivain,
gerard+etienne,
lecture,
Natania+Etienne,
texte
mercredi 11 février 2009
Les Editions du Marais célèbrent la St-Valentin différemment

Dans le cadre de la commémoration du Mois des Noirs, à Montréal, Les Editions du Marais s'associent à la Fondation Art'Hum et à la Compagnie Théâtrale Racine(s) pour organiser l'événement "Mots d'Amour en Black".
L'écrivain Arol Pinder sera l'animateur et le responsable éditoriale de cette soirée ; une soirée qui sera également animée par un groupe de 3 musiciens menés par l’artiste Daah Sossa.
Cette soirée sera également l’occasion de rendre hommage à Gérard Etienne par la lecture de plusieurs de ses textes inédits sur l’amour.
Cette soirée sera également l’occasion de rendre hommage à Gérard Etienne par la lecture de plusieurs de ses textes inédits sur l’amour.
L'entrée est libre pour cet événement qui se déroulera en plein coeur du Plateau Mont-Royal dans le tout nouvel espace culturel qui a pour nom "La Saga St-Denis".
Pour vous rendre à la Saga St-Denis, consultez l'itinéraire.
Agrandir le plan
Libellés :
ecrivain,
editions du marais,
evenement,
gerard+etienne,
montréal
jeudi 5 février 2009
Les Editions du Marais vont publier une Anthologie de la littérature Sépharade au Québec

Ce projet répond à une volonté conjointe des deux organismes, et c'est le Président sortant de la CSUQ, David Bensoussan, qui dirige actuellement la recherche éditoriale et rassemble les premiers textes.
Les auteurs sépharades ont en commun une certaine sensibilité qui se traduit par des écrits retraçant le déracinement ou la transition dans la nouvelle réalité québécoise et canadienne. Ce témoignage constitue en soi une richesse littéraire qu’il est avantageux de présenter à la société dans son ensemble.
À titre d’exemple, les écrits traitent tant de souvenirs du pays (Naïm Kattan, Victor Teboul, David Bensoussan, Avi Bendayan, Clémence Lévy) que d’études sur l’installation au Québec (Yolande Cohen et Yossi Lévy, Jean-Claude Lasry, Michaël Elbaz, Salomon Benbaruk).
D’autres traitent de littérature et d’histoire (Raphaël Lévy, Pierre Lasry, André Elbaz), d’essais en philosophie et en spiritualité (Sophie Jama, David Elkaïm, David Sabbah, Shlomo Chriqui) ou de théâtre (Serge Ouaknine, Sylvia Assouline). Une petite minorité d’auteurs s’est exprimée dans les langues vernaculaires (judéo-espagnol et judéo-arabe).
Dans un esprit de dialogue et d’échange enrichissant, la contribution des Sépharades à la vie culturelle du Québec mérite d’être recensée et divulguée.
L'ouvrage sortira en octobre prochain, à l'occasion des grandes festivités du 50ème de la CSUQ.
Libellés :
editions du marais,
littérature,
québec,
sepharade
vendredi 9 janvier 2009
Gérard Etienne : la dernière vidéo...
L'écrivain Gérard Etienne s'est éteint le 14 décembre dernier. Le 9 février 2008, il participait au Gala de la compagnie théâtrale Racines, qui a produit sur scène son unique pièce de théâtre, "Monsieur le Président".
Le hasard veut que la dernière vidéo publique de l'auteur soit celle où il interprète la chanson "My Way"...
L'hommage d'une troupe à son auteur.
Libellés :
ecrivain,
gerard+etienne,
monsieur le président,
video
mercredi 7 janvier 2009
Gérard Etienne : de nombreux témoignages et réactions sur internet depuis sa disparition
Depuis sa disparition, le 14 décembre dernier, de nombreux articles ont été rédigés et des témoignages exprimés sur internet. En voici quelques-uns.
Outre le blog des Editions du Marais, le site web de Radio Canada a été le premier à réagir en publiant un article intitulé "Gérard Etienne n'est plus". Radio Kiskeya a été aussi prompte en diffusant sur son site web un article intitulé "Décés du professeur et écrivain Gérard V. Etienne", ainsi que la station Haïtienne Radio Classique Inter.
Le 16 décembre, l'écrivain Stanley Péan rendait hommage sur son blog à Gérard Etienne, dont il avoue "l'influence" sur une partie de son oeuvre. Le même jour, sur son blog X-centri-cités, l'écrivain Thomas C. Spear, écrivait un long article en mémoire de celui qu'il appelle "un grand résistant".
Le CIEF (Conseil International d'Etudes Francophones) a publié sur son site une page spéciale en souvenir de celui qui fut parmi les militants les plus actifs au sein de la structure.
A Moncton, où Gérard Etienne fut professeur, le journal Hebdo Campus a diffusé ce mercredi 7 janvier, sur le site CapAcadie.com, un message de condoléance. Le site de la radio CJSE avait publié plus tôt un article pour annoncer la disparition.
Outre le blog des Editions du Marais, le site web de Radio Canada a été le premier à réagir en publiant un article intitulé "Gérard Etienne n'est plus". Radio Kiskeya a été aussi prompte en diffusant sur son site web un article intitulé "Décés du professeur et écrivain Gérard V. Etienne", ainsi que la station Haïtienne Radio Classique Inter.
Le 16 décembre, l'écrivain Stanley Péan rendait hommage sur son blog à Gérard Etienne, dont il avoue "l'influence" sur une partie de son oeuvre. Le même jour, sur son blog X-centri-cités, l'écrivain Thomas C. Spear, écrivait un long article en mémoire de celui qu'il appelle "un grand résistant".
Le CIEF (Conseil International d'Etudes Francophones) a publié sur son site une page spéciale en souvenir de celui qui fut parmi les militants les plus actifs au sein de la structure.
A Moncton, où Gérard Etienne fut professeur, le journal Hebdo Campus a diffusé ce mercredi 7 janvier, sur le site CapAcadie.com, un message de condoléance. Le site de la radio CJSE avait publié plus tôt un article pour annoncer la disparition.
Libellés :
ecrivain,
editions du marais,
gerard+etienne,
radio
Inscription à :
Articles (Atom)