mardi 24 février 2009

Natania Etienne livre un témoignage très poignant sur... Gérard Etienne

Dans le cadre de la commémoration du Mois des Noirs, lors de l'événement "Mots d'Amour en Black" qui se tenait à la Saga St-Denis - événement auquel ont participé "Les Editions du Marais" - la conjointe du regretté Gérard Etienne a lu un témoignage poignant sur les dernières heures de vie de l'écrivain.

Voici un extrait de ce texte, qui fait partie d'une série publiée chaque semaine dans l'hebdomadaire Haïti Observateur :

"Veuve, est-ce possible d’être veuve de GÉRARD ÉTIENNE Z’L’?

Il y a 35 ans quand nous avons eu notre premier enfant, il s’est fait refuser une assurance vie. Nous savions tous les deux qu’il vivait sur du temps emprunté, nous étions habitués. Les enfants et moi étions seuls à savoir à quel point il était fragile. Nous partagions ses angoisses : manger, ne pas manger, chaque bouchée avalée ou non était un enfer.

Les jours ont passés, il écrivait, j’écoutais ses pas lents dans la maison. Il avait lâché la marchette depuis quelques jours, je surveillais ses allées et venues inquiète qu’il ne tombe et se blesse. J’aurai voulu ne plus aller au travail juste rester avec lui vingt quatre heures sur vingt quatre je n’osais plus aller à la poste de peur de je ne sais quoi simplement me disais-je pour qu’il ne soit pas seul, mais il me répétait qu’il fallait que j’aille travailler. Je partais à la dernière seconde, en route on se parlait vingt cinq mille fois.

Il vivait au rythme d’HAITI et de son écriture, je répétais en riant que je n’étais que sa deuxième femme, la première étant son pays. Mon D_IEU quel pays ingrat ! Mais il ne voyait pas ça il rêvait de son rêve fou d’un pays vivable pour les autres. Pour sa dernière sortie il pleuvait le vent soufflait je courais au milieu de la rue pour qu’il ne subisse pas les chocs des bosses sur le trottoir. On revenait de la synagogue, la marchette (celle que j’appelais sa Cadillac) accrochée aux poignées de la chaise roulante, les livres qu’il tenait à emporter pour poursuivre ses réflexions, ses objets de prières. Je l’avais enrobé dans un sac de plastique, ayant un sac aussi sur mon chapeau le tout volant au vent mauvais il était assis heureux confiant que je pouvais le mener au bout du monde. Ceux qui nous auraient vu nous auraient pris pour deux fous, mais ça ne nous inquiétait pas on s’aimait et la vie était là on avait vingt ans. Il était question d’appeler la bonbonne d oxygène «Juliette» mais on n’a pas eu le temps de l’apprivoiser.

Inspiré par ses échanges sur Haitianpolitics il avait repris sa thèse voulant que je la publie. Il écrivait le jour, durant la nuit je l’écoutais respirer terrorisée, passe ta main sur ma tête disait-il dans le noir et je tombais endormie dépitée de n’avoir pas pu le faire toutes les heures où il cherchait le sommeil. Il ne s’accordait pas de répit, accroché aux rampes d’escalier il faisait le dernier marathon de sa vie, cherchant son souffle. Arrivé en haut il s’enfonçait recroquevillé dans la chaise de la cuisine, je lui faisais du charme cherchant à le faire manger, on était en route pour gagner il avait pris du poids il était passé de 105 livres à 112. Il n’avait pas d’appétit alors j'essayais d’inventer toutes sortes de combinaison pour lui faire prendre du poids.

Le dernier vendredi il a enlevé son tube d’oxygène pour faire son fameux riz aux calalous est-ce que j’aurai dû lui dire mon secret que je gardais depuis 41 ans ? Quand je lui ai dit que je pouvais faire du riz il m’a longtemps regardé, sans un mot étonné. Je ne voulais pas dire que je pouvais vivre sans lui, juste que je pouvais l’aider. Samedi matin il s’est levé normalement, il voulait descendre pour lire, mais j’ai proposé qu’on reste ensemble le plus longtemps possible, il m’a regardé et m’a dit : «si tu parles et tu me racontes des histoires, je vais rester dans le fauteuil » Alors j’ai parlé, parlé pour défier le temps, j ai lu à haute voix le journal et il m’a écouté avec patience commentant très sérieusement comme d'habitude. Il a voulu se lever a failli tomber je me suis jetée sous lui pour qu’il ne se blesse pas. Puis notre petite fille est arrivée avec sa maman il a souri assis avec elle il l’a écoutée chanter des chants en hébreu il était si fier de son intelligence et de son élocution il lui a dit «ce soir après le sabbath je jouerais au piano et tu chanteras» [...]

Crédit Photo : Dan Rosenberg

mercredi 11 février 2009

Les Editions du Marais célèbrent la St-Valentin différemment


Dans le cadre de la commémoration du Mois des Noirs, à Montréal, Les Editions du Marais s'associent à la Fondation Art'Hum et à la Compagnie Théâtrale Racine(s) pour organiser l'événement "Mots d'Amour en Black".
L'écrivain Arol Pinder sera l'animateur et le responsable éditoriale de cette soirée ; une soirée qui sera également animée par un groupe de 3 musiciens menés par l’artiste Daah Sossa.

Cette soirée sera également l’occasion de rendre hommage à Gérard Etienne par la lecture de plusieurs de ses textes inédits sur l’amour.
L'entrée est libre pour cet événement qui se déroulera en plein coeur du Plateau Mont-Royal dans le tout nouvel espace culturel qui a pour nom "La Saga St-Denis".
Pour vous rendre à la Saga St-Denis, consultez l'itinéraire.

Agrandir le plan

jeudi 5 février 2009

Les Editions du Marais vont publier une Anthologie de la littérature Sépharade au Québec

A l'occasion du cinquantième anniversaire de la création de la première institution communautaire Sépharade au Québec, les Editions du Marais s'associent à la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ) pour la publication de la première anthologie de la littérature Sépharade canadienne francophone.

Ce projet répond à une volonté conjointe des deux organismes, et c'est le Président sortant de la CSUQ, David Bensoussan, qui dirige actuellement la recherche éditoriale et rassemble les premiers textes.

Les auteurs sépharades ont en commun une certaine sensibilité qui se traduit par des écrits retraçant le déracinement ou la transition dans la nouvelle réalité québécoise et canadienne. Ce témoignage constitue en soi une richesse littéraire qu’il est avantageux de présenter à la société dans son ensemble.

À titre d’exemple, les écrits traitent tant de souvenirs du pays (Naïm Kattan, Victor Teboul, David Bensoussan, Avi Bendayan, Clémence Lévy) que d’études sur l’installation au Québec (Yolande Cohen et Yossi Lévy, Jean-Claude Lasry, Michaël Elbaz, Salomon Benbaruk).

D’autres traitent de littérature et d’histoire (Raphaël Lévy, Pierre Lasry, André Elbaz), d’essais en philosophie et en spiritualité (Sophie Jama, David Elkaïm, David Sabbah, Shlomo Chriqui) ou de théâtre (Serge Ouaknine, Sylvia Assouline). Une petite minorité d’auteurs s’est exprimée dans les langues vernaculaires (judéo-espagnol et judéo-arabe).

Dans un esprit de dialogue et d’échange enrichissant, la contribution des Sépharades à la vie culturelle du Québec mérite d’être recensée et divulguée.

L'ouvrage sortira en octobre prochain, à l'occasion des grandes festivités du 50ème de la CSUQ.

vendredi 9 janvier 2009

Gérard Etienne : la dernière vidéo...

L'écrivain Gérard Etienne s'est éteint le 14 décembre dernier. Le 9 février 2008, il participait au Gala de la compagnie théâtrale Racines, qui a produit sur scène son unique pièce de théâtre, "Monsieur le Président".

Le hasard veut que la dernière vidéo publique de l'auteur soit celle où il interprète la chanson "My Way"...

L'hommage d'une troupe à son auteur.

mercredi 7 janvier 2009

Gérard Etienne : de nombreux témoignages et réactions sur internet depuis sa disparition

Depuis sa disparition, le 14 décembre dernier, de nombreux articles ont été rédigés et des témoignages exprimés sur internet. En voici quelques-uns.

Outre le blog des Editions du Marais, le site web de Radio Canada a été le premier à réagir en publiant un article intitulé "Gérard Etienne n'est plus". Radio Kiskeya a été aussi prompte en diffusant sur son site web un article intitulé "Décés du professeur et écrivain Gérard V. Etienne", ainsi que la station Haïtienne Radio Classique Inter.

Le 16 décembre, l'écrivain Stanley Péan rendait hommage sur son blog à Gérard Etienne, dont il avoue "l'influence" sur une partie de son oeuvre. Le même jour, sur son blog X-centri-cités, l'écrivain Thomas C. Spear, écrivait un long article en mémoire de celui qu'il appelle "un grand résistant".

Le CIEF (Conseil International d'Etudes Francophones) a publié sur son site une page spéciale en souvenir de celui qui fut parmi les militants les plus actifs au sein de la structure.

A Moncton, où Gérard Etienne fut professeur, le journal Hebdo Campus a diffusé ce mercredi 7 janvier, sur le site CapAcadie.com, un message de condoléance. Le site de la radio CJSE avait publié plus tôt un article pour annoncer la disparition.

dimanche 14 décembre 2008

GERARD ÉTIENNE / 28 mai 1936 - 14 décembre 2008


L'écrivain phare des Editions du Marais, Gérard Etienne, s'est éteint ce dimanche matin à Montréal des suites d'une longue maladie. Il était âgé de 72 ans. Il laisse derrière lui une oeuvre riche et foisonnante. Ses obsèques auront lieu, demain lundi, à Outremont. Retour sur la vie d'un humaniste qui n'a cessé, jusqu'à ses dernières heures, d'employer sa plume à défendre la cause Haïtienne et à servir la langue française.

Jusqu'à hier encore, Gérard Etienne était attablé à son bureau, dans une petite pièce de sa maison de Côte-St-Luc, pour rédiger un ultime article, relire et corriger une nouvelle ou griffonner des notes en vue d'un prochain roman... Infatigable Gérard Etienne. Infatigable, mais au rendez-vous pour le dernier "au revoir", entouré de sa compagne et muse de toujours, Natania. Engagement et dignité, deux des grandes qualités de ce grand parangon de la Négritude.

Né au Cap-Haïtien le 28 mai 1936, Gérard Vergniaud Étienne quitte à 15 ans le foyer paternel. Il proteste ainsi contre la violence que son père fait subir à sa mère parce qu'elle ne partage pas ses croyances vaudou. Il restera terriblement marqué par cette période de sa vie. Il part pour Port-au-Prince. À quinze ans il participe à une insurrection contre le gouvernement despotique de Paul E. Magloire. Arrêté en compagnie de Luc B. Innocent et de Windsor K. Laferrière, il est emprisonné et torturé.


Disciple du marxiste haïtien, le grand romancier et médecin Jacques-Stephen Alexis, il participe à un complot contre le gouvernement fasciste de François Duvalier. Il est arrêté et torturé (23 ans). Cette vie turbulente ne l'a pas empêché de faire des études classiques en Haïti, d'enseigner dans de prestigieux collèges et d'amorcer une carrière de journaliste.


En effet il rédige à 13 ans ses premiers poèmes qu'il interpréte à la radio. À l'âge de 16 ans, il achève un premier livre de poésie. Puis il publie coup sur coup Au milieu des larmes (1960), Plus large qu'un rêve (1960), La raison et mon amour (1961), Essai sur la négritude (1962) et Le nationalisme dans la littérature haïtienne (1963).


Il fonde le groupe culturel Samba qui devait devenir Haïti-littéraire. Parallèlement à sa vie d'écrivain, il enseigne dans des collèges et au lycée. Il est en même temps critique littéraire et reporter aux quotidiens Le Nouvelliste (1961-1962) et Panorama (1962-1964). Étienne a aussi suivi parallèlement une trajectoire artistique et militaire, particulièrement à la Société des Messagers de l'art (1963) et au Corps d'Aviation où, cadet de l'air, il est affecté au département de météorologie (1955-1957).


En août 1964, l'écrivain s'exile au Canada. Débarqué à Montréal, il enseigne au Lycée Da Silva (1964-1965) et travaille comme reporter au quotidien Métro Express et au journal Quartier Latin. Au cours de ses études de licence ès lettres (1964-1970) il travaille en usine puis comme infirmier à l'Hôtel Dieu de Montréal. Il enseigne au Collège de Matane (1968-1970) et collabore au journal La Voix canadienne. Il publie en 1965 son premier livre au Canada, Lettres à Montréal. Il rencontre en 1967 la compagne de sa vie, Natania Feuerwerker dont il a deux enfants, Joël et Michaëlla. Il commence à enseigner à l'Université de Moncton en 1971. Il obtient son doctorat en linguistique (Strasbourg, 1974). Il est professeur de linguistique et de grammaire supérieure à Moncton en Acadie jusqu'en 1978. En 1979, il fonde le module information/communication où il enseigne désormais le journalisme. Il collabore au Devoir de 1972 à 1987 et il est éditorialiste au quotidien Le Matin (1986-1987).


Malgré deux comas et une opération au cerveau, il continue à écrire à l'hebdomadaire Le Voilier (1987-1989). Malgré une agression d'ordre politique en 1993 (voir L'Injustice, la désinformation, le mépris de la loi), il poursuit sa lutte pour le changement dans son pays d'origine. Depuis cette date, il collabore au journal Haïti-Observateur.

Plusieurs de ses titres ont été traduits en langues étrangères. L'écrivain a aussi suivi une carrière scientifique. Il a découvert une nouvelle discipline en sciences humaines, l'anthroposémiologie, et il a publié deux essais plus haut mentionnés, en plus de 50 études savantes en linguistique, en critique et en sémiologie.

Au cours de cette année 2008, Gérard Etienne aura eu la chance de voir montée sur scène son unique pièce de théâtre, "Monsieur le Président". Sa dernière oeuvre publiée aux Editions du Marais date de mai dernier : il s'agit du recueil de poésie dédié à sa compagne de toujours, "Natania"...

mardi 9 décembre 2008

Le célèbre comédien Rufus va jouer, à Paris, dans une pièce publiée aux Editions du Marais

La pièce de théâtre signée Naïm Kattan et intitulée "Avant la Cérémonié", sera jouée en début d'année à Paris, à l'espace Rachi, dans le cadre des célébrations du soixantième anniversaire de la naissance d'Israël.

La pièce, publiée en 2007 aux Editions du Marais, pose le rapport problématique de l'identité juive et israélienne. De Montréal à Tel Aviv, l'intrigue, centrée sur un mariage délicat, se corse et les personnages s'obligent à un retour dans leur passé.

Dans ce drame des temps modernes, mettant à profit sa longue et fructueuse expérience, Naïm Kattan nous donne un aperçu des choix angoissants auxquels sont confrontés les jeunes Juifs de la Diaspora.

Notons la présence, sur scène, du comédien Rufus. Avec un physique de pierrot lunaire, il s'est produit par le passé aux côtés de Brigitte Fontaine et Jacques Higelin, puis souvent seul en scène dans des spectacles comiques.

Au cinéma, il a notamment joué dans L'histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise de Nina Companéez et dans Mariage de Claude Lelouch. Il devint célèbre en 1975 avec Lily aime-moi de Maurice Dugowson.

Ses dernières apparitions cinématographiques plus remarquables sont le voisin dans la cave dans Delicatessen (1991), le soldat musicien dans Le Radeau de la Méduse d'Iradj Azimi, le juif Mordechai dans Train de vie, le père d'Audrey Tautou dans le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001) et le conseiller du calife dans Iznogoud (2005).